Les célébrations qui marqueront le dixième anniversaire des attaques du 11 septembre vont être imprégnées de l’horreur de la mort de 3000 personnes. L’on nous remontrera les scènes tragiques de ceux qui se sont jetés par les fenêtres, de l’effondrement des tours du World Trade Center, de l’avion qui s’est écrasé sur le Pentagone. On demandera aux survivants comment ils arrivent à gérer ce lourd passé ; les proches des victimes vont faire part de leur énorme colère. L’on exaltera les qualités des êtres chers disparus. Des pompiers et policiers héroïques seront interviewés. Nous allons tous pleurer. Nous allons exprimer en bonne et due forme notre respect à tous ceux qui sont morts aux Etats-Unis et partout dans le monde lors d’attaques terroristes.

L’ennemi ne semble plus être Al-Qaida, mais notre propre incapacité à gouverner correctement.

Quels sont les causes des attentats du 11 septembre? (Photo: reuters)

Mais les cérémonies commémoratives pourraient-elles aussi remplir un autre rôle ? J’ai récemment parcouru les plages de Normandie. Des hectares et des hectares de croix et de monuments et d’hommages à ceux qui ont perdu la vie lors du débarquement de juin 1944. Malgré le temps qui passe, l’héroïsme de ces actions continue d’impressionner et d’inviter à l’humilité. Nous sommes sûrs que le sacrifice de ceux qui sont enterrés là a contribué à un monde meilleur.

Les émeutes en Angleterre, en Espagne et en Grèce, les menaces de faillite d’entreprises ou de pays ainsi que les grandes variations sur les marchés boursiers devraient nous inciter à repenser notre position dix ans après le 11 septembre. Oui, Oussama Ben Laden a été tué. Au sens très étroit du terme, une mission a été accomplie.

Mais nous n’avons même pas encore mis en avant la mission prioritaire. L’ennemi, pour ainsi dire, semble ne plus être Al-Qaida ou des groupes similaires, même si des menaces du même type mettant en péril notre sécurité existent certainement encore et ne doivent pas être ignorées. Nous devons rester vigilants.

Toutefois, d’un autre côté, l’ennemi, si nous devons utiliser un tel terme, est notre propre incapacité occidentale à gouverner correctement. Les jeunes dans les rues d’Athènes, de Madrid et de Londres n’ont pas peur des réseaux terroristes ; ils sont frustrés de ne pas trouver de travail. Les habitants des Etats-Unis n’ont pas nécessairement peur d’être cambriolés, ils ont peur que quelqu’un les expulse de leur maison. La forclusion suscite plus de craintes que les cambriolages ; elle est devenue plus fréquente.

Dans toutes les situations tragiques, c’est dans la nature humaine d’essayer de comprendre. Nous cherchons les coupables. Nous tentons de déterminer les causes. Au mieux, nous pouvons toujours dire que c’était une catastrophe naturelle, quelque chose qui a totalement échappé à notre contrôle. Michele Bachmann affirme que l’ouragan Irène est un avertissement de Dieu. Ce qu’il y a de plus difficile lors d’une tragédie, c’est de se regarder dans la glace et de voir ses propres failles.

Une grande partie de la colère qui a provoqué les attaques du 11 septembre était due à l’arrogance de l’Occident. Une grande partie était due au manque de vraie justice internationale dans un univers devenu de plus en plus mondialisé. Si notre incapacité à nous gérer correctement nous-mêmes a provoqué de l’instabilité à l’échelle nationale, le manque de coopération internationale pour combler de graves inégalités accentue les tensions tout en niant l’inévitabilité d’actions hostiles.

Dix ans après les attentats, je me demande ce que nous avons appris, si nous avons appris quelque chose. Pourquoi y a-t-il encore autant d’animosité à l’encontre des Etats-Unis ? La jalousie est une réponse trop facile. Non, alors que je marchais sur les plages de Normandie, j’ai été frappé par la gratitude que les gens ressentaient pour le leadership, la générosité et le sacrifice dont ont fait preuve les Américains. Même si nous ne pouvons pas revenir avec nostalgie à cette situation et à cette génération, les observateurs de la campagne politique actuelle des Etats-Unis ont tous montré du doigt le manque de cet esprit parmi les candidats.

La mesquinerie y est présente, un manque de civisme basique même parmi les candidats d’un même parti. Les débats récents sur la dette et le plafond d’endettement ont embarrassé tous les parents qui tentaient d’expliquer les règles de base de la procédure démocratique à leurs enfants. David Cameron appelle à davantage de solidarité tout en proposant des mesures d’austérité qui vont accentuer les différences sociales.

Les cérémonies qui vont marquer le dixième anniversaire des attaques du 11 septembre pourraient servir à reconsidérer certains des éléments ci-dessus. Alors que nous rendons hommage à des individus, nous devrions aussi respecter un certain idéal de la république qui semble de plus en plus appartenir au passé. Comme je l’ai écrit juste après les attentats : « Alors que nous pleurons, sommes-nous capables d’analyser les causes de la haine qui a mené à ces attaques ? Sommes-nous capables, émotionnellement, de surmonter les appels à la vengeance pour faire preuve de retenue et de justice ? »

Dix ans plus tard, nous devrions jeter un regard peiné dans le miroir et écouter les jeunes dans la rue. Comme j’en ai conclu à l’époque, et je pense que c’est encore vrai aujourd’hui, nous devrions « essayer de voir en quoi notre identité de monde civilisé continue à avoir un sens ».

Daniel Warner rédige un blog sur la plateforme de la Tribune de Genève