Les catholiques ont rattrapé les protestants

Le oui net de l’Irlande en faveur du mariage homosexuel a surpris tous ceux qui pensaient que l’île était encore un bastion des catholiques conservateurs. Depuis l’adoption de justesse de la loi sur le divorce il y a vingt ans, trois facteurs ont accéléré la sécularisation de la société et de la politique: la plus forte proportion de femmes et d’hommes jeunes et instruits, la perte de prestige de l’église en raison de tous les scandales d’abus sexuels et l’apaisement du conflit en Irlande du Nord. De plus, l’identité du catholicisme et du républicanisme dans le Sud a été prolongée artificiellement par le fait que la lutte entre les républicains catholiques et les unionistes protestants était fortement confessionnalisée.

Comme le montrent les contre-exemples croate et polonais, l’imbrication du nationalisme et du confessionnalisme en politique entrave la sécularisation de la société. L’accord du Vendredi saint 1998 sur le processus de paix dans le Nord a stimulé le processus d’émancipation dans le Sud. Les principaux perdants des journées irlandaises de Pentecôte 2015 sont les protestants pro-britanniques d’Irlande du Nord. Avec la légalisation du mariage homosexuel par les Irlandais catholiques, ils perdent un de leurs arguments majeurs contre la réunification des Etats: la République souffrirait d’arriération et de dépendance «papiste». Lorsque le Vatican décrit la décision du peuple irlandais comme une «défaite pour l’humanité», ils ne peuvent plus brandir le spectre papal.

Compte tenu de l’attitude progressiste des Irlandais, la définition du mariage établie par le PDC suisse semble ridicule.

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La parlementaire irlandaise Katherine Zappone (à droite) célèbre avec sa compagne le vote de l’Irlande sur le mariage homosexuel . Image/Keystone

Outre les conservateurs catholiques irlandais et les loyalistes anticatholiques d’Ulster, le PDC suisse fait partie des perdants. Depuis Gallus, Colomban et leurs confrères qui sont partis évangéliser ces contrées il y a 1400 ans, aucune décision irlandaise n’aura déployé un tel effet dans ce pays que le oui au mariage homosexuel. Compte tenu de l’attitude progressiste des chrétiens d’origine celtique, la définition du mariage comme d’une «union de l’homme et de la femme» établie par le PDC suisse semble ridicule.

En fin de compte, le PDC fait face au même problème que les loyalistes d’Irlande du Nord: les catholiques ont rattrapé les protestants. Alors que, depuis le début, le protestantisme suisse est l’un des plus libéraux au monde, les catholiques suisses sont restés majoritairement conservateurs jusque dans les années 60. Le Concile Vatican II (1962-1965) et le mouvement de Mai 68 ont entretemps contribué à combler le clivage confessionnel. Les cinq votations liées à la question de la grossesse entre 1977 et 2014 en sont la meilleure illustration. En 1977, alors que la solution des délais était refusée à 48%, deux tiers des protestants avaient voté oui et deux tiers des catholiques avaient voté non. Vingt-cinq ans plus tard, deux tiers des catholiques ont contribué à l’adoption du régime des délais à 72%. Il y a un an, alors que 70% des votants refusèrent la proposition des cercles de droite de supprimer l’avortement des prestations de l’assurance de base, plus aucun clivage confessionnel n’était observé.

Une majorité claire de catholiques suisses, dont avant tout les femmes, sont plus proches de l’esprit de Pentecôte irlandais que de l’esprit perpétuellement arriéré de l’initiative du PDC «Contre la pénalisation du mariage». Même l’UDC, qui est historiquement le parti des conservateurs protestants mais aussi celui des conservateurs catholiques depuis les années 90, ne va pas pouvoir empêcher son déclin. Et la hiérarchie ecclésiastique n’a pas plus d’influence en matière de sexe et de genre que sur l’île verte.

Un commentaire sur «Les catholiques ont rattrapé les protestants»

  • Walter Bossert dit :

    Zu der Häufigkeit und der Bedeutung welche diesem Thema in der letzten Zeit beigemessen wird, gibt es eigentlich keine Worte mehr, da würde eine Karikatur nun tatsächlich viel mehr aussagen!

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