Toute comparaison exige de la prudence. L’UDC est un parti démocratique alors que les Frères musulmans rêvent de théocratie, de charia et de femmes voilées. L’organisation égyptienne, même si elle s’est distancé des actions violentes, doit encore prouver sa capacité à s’intégrer dans un processus démocratique. Malgré leurs différences, ces mouvements ont plus de points en commun qu’il n’y paraît. Tous deux se construisent, aujourd’hui, dans une défiance à l’égard des autres cultures.

Lors de son combat contre les minarets en Suisse, le Valaisan Oskar Freysinger s'est profilé en défenseur d'une certaine identité chrétienne.

«L’islam est notre religion, notre culture, notre civilisation. Il fait partie de notre identité, de notre histoire.» En Egypte, le discours est récurrent chez les Frères musulmans. Et il ne peut que résonner aux oreilles des Suisses. Pendant des mois, Oskar Freysinger a utilisé les mêmes références sur l’héritage chrétien de la Suisse lors du débat sur l’initiative anti-minarets.

C’est dans le rôle joué au sein de la société que les deux entités puisent leurs points communs. Aussi bien le succès du premier parti de Suisse que celui des islamistes égyptiens s’explique par une peur du changement profondément ancrée dans une partie de la population des deux pays.

Après le non économique à l’Europe, l’UDC mène désormais un combat plus culturel, tourné sur les valeurs de l’Occident et focalisé contre l’islam. Le parti a d’ailleurs ajouté un chapitre «religion» dans son nouveau programme électoral. En Egypte, c’est l’influence de plus en plus criante d’un Occident – qui a si longtemps soutenu les dictateurs – sur les jeunes générations qui pousse la population dans les bras des Frères.

Dans les deux cas, il s’agit moins de nationalisme que de la peur de perdre son identité. Et pour lutter contre ce phénomène, beaucoup d’électeurs choisissent le conservatisme de l’UDC ou des islamistes. «C’était mieux avant!», pourrait être un credo commun. Les adeptes du salafisme, le courant d’un islam radical qui se propage en Egypte, rêvent d’un retour à l’époque de Mahomet, tout comme l’UDC idéalise la Suisse primitive.

Avec un large soutien, l’UDC et les Frères se retrouvent avec les moyens financiers les plus importants de leur pays et du coup une facilité à imposer leur agenda politique. Autre point commun: les deux partis présentent le même paradoxe, celui d’avoir des relais dans les milieux économiques tout en séduisant les classes populaires.

Dans les deux cas, il s’agit moins de nationalisme que de la peur de perdre son identité.

Et puis, il y a la même fierté à supporter un parti du cru, «bien de chez nous». Il n’y a pas d’UDC dans les autres pays européens. Il est difficile de comparer ce parti avec les droites nationalistes de nos voisins. Les frères sont eux aussi typiquement égyptiens. Personne ne peut les accuser d’avoir, comme les autres islamistes, reçu de l’argent saoudien ou iranien.

Les adversaires des islamistes auront beaucoup de peine à les combattre. Tout comme les partis politiques suisses n’arrivent pas à contrecarrer l’UDC. Il ne sert à rien d’attaquer les deux partis, c’est la psyché profonde des électeurs qu’il faudrait modifier.