Il y a un boulot de libre dans la politique suisse. Un sale boulot, non payé; bien au contraire: une activité à perte. La défaite est quasi assurée, de même que le limogeage, en tout bien tout déshonneur. Seuls les quolibets ne manqueront pas à l’appel. En effet, on s’en doute, ce sera la place du perdant.

Cela vous intéresse? Dommage: les Verts, la JS et quelques groupuscules religieux et de gauche vous ont pris de vitesse lundi soir. En effet, ils ont décidé l’organisation d’un référendum contre la dernière révision de la loi sur l’asile. Mais ils accueilleront à bras ouverts tous ceux qui voudront plonger avec eux.

Cela semble cynique. Ce groupe a pourtant pris la bonne décision. Ce qui est décevant, c’est que les sociaux-démocrates ne participent pas. Un tel référendum serait «une passe en or pour l’UDC», selon Christian Levrat, président du PS. Il ne le soutiendra donc pas. C’est – passez-moi l’expression – tout bonnement stupide.

L’UDC montre en effet que c’est elle-même qui continue à s’offrir les passes en or dans le débat sur l’asile. Si ce n’était pas si tragique, on aurait pu sourire en voyant comment, il y a dix jours, ce parti a ramené, une fois encore, les grands stratèges du PLR et du PDC au ras des pâquerettes: c’était lors de la présentation de son nouveau projet d’initiative, qui vide encore un peu plus de sa substance le droit suisse des réfugiés.

En ne soutenant pas le référendum contre le durcissement de la loi sur l'asile, le président du PS suisse Christian Levrat n'aurait pas pris la bonne décision. (Image: Keystone)

Pourtant, des personnalités politiques telles que Philipp Müller, le président du PLR, Gerhard Pfister et Ruth Hembel, conseillers nationaux, ou encore Martin Bäumle, président des Verts, s’étaient emparés de ce sujet lors de la session d’été. Ils avaient montré aux «extrémistes de gauche et de droite» comment les grandes personnes abordaient la question du droit d’asile, comment on impose des compromis apparemment «tenables» dans la procédure d’urgence.

De nombreux observateurs ne voyaient pas vraiment la différence entre ces compromis et un régime UDC allégé. Pour Müller et ses acolytes, c’était de la simple malveillance. Philipp Müller répétait à l’envi qu’il avait rejeté «en bloc» des «dizaines» d’idées de l’UDC allant dans le sens d’un durcissement, par exemple les camps d’internement ou la suppression de l’autorité de recours judiciaire.

Lors de la session, Müller, Humbel et Bäumle ont volé la vedette à Christoph Blocher, leader historique de l’UDC, s’attirant effectivement nombre de commentaires malveillants… de la part de l’UDC. Philipp Müller s’est emporté contre ces moqueries. Cela n’augure rien de bon pour la nouvelle collaboration.

Ah… la fameuse nouvelle collaboration. A un moment, on aurait vraiment dit que le nouveau centre de l’UDC avait montré les dents – et avait repris du poil de la bête. Et de renchérir avec les idées apparemment «rejetées en bloc»: camps d’internement et suppression du recours judiciaire. Regroupés dans une toute nouvelle initiative. Comme s’il n’y avait jamais eu de durcissement commun du droit d’asile, Toni Brunner, président de l’UDC, a écrit dans ce même Politblog: «Supposer que cela va supprimer les inconvénients insupportables dans le domaine du droit d’asile est une illusion. Il faut d’autres avancées cohérentes.»

Le PS doit aider à mettre le référendum sur pied. Il doit participer à l’échec de la votation.

Tout était alors perdu pour le restant d’asile de Müller, Pfister, Humbel ou Bäumle. Quoi qu’il en soit, leurs collègues de la chambre haute leur ont évité le déshonneur complet: avec quelques corrections précautionneuses en matière d’aide d’urgence. Il subsiste ainsi les vestiges d’une proposition propre, qui peut être défendue contre l’UDC. Ce qui reste de stratèges du centre devraient être reconnaissants envers le comité de référendum (gauche et Verts) pour leur avoir donné l’occasion de se délimiter à nouveau un peu à droite.

Christian Levrat aimerait, semble-t-il, également faire partie des stratèges, et n’offrir aucune passe en or à l’UDC. Qui n’a pas eu beaucoup d’occasions de rire dernièrement, mais, sur ce point, Toni Brunner a dû esquisser un sourire. Il avait lui-même clairement déclaré que, tôt ou tard, une votation sur un nouveau durcissement du droit d’asile serait organisée. Il s’agit maintenant de voir qui va le faire en premier.

Je suis pour que ce soit la gauche qui le fasse, au moyen d’un référendum. Balthasar Glättli, conseiller national Verts, a affirmé qu’il ne fallait pas toujours se contenter de réagir. Mais c’est la nature des choses: cela fait trente ans que le droit d’asile est progressivement vidé de sa substance. Cela n’est pas près de s’arrêter si les durcissements sont avalés sans réaction adverse.

C’est évident: un référendum sur l’asile ne peut espérer obtenir plus de 40% de non. Mais 40%, c’est envisageable. L’UDC fait peu de cas de cette révision, ses projets sont plus ambitieux. Les associations économiques ne versent pas un centime. Et le centre va devoir s’entendre dire constamment par l’UDC qu’il n’a pas poussé jusqu’au bout la manière forte. C’est peut-être une leçon salutaire. Et si nous n’atteignons pas les 40%, cela n’encouragera pas davantage l’UDC. Elle ne se laissera de toute façon pas prendre cette question, sa dernière question.

Le PS doit aider à mettre le référendum sur pied. Il doit participer à l’échec de la votation. C’est la bonne décision à prendre, en particulier à un moment où Simonetta Sommaruga, la ministre de la Justice, est qualifiée de «désemparée» et de «dépassée par les évènements» sur sa droite, parce qu’elle remet en place ce que l’un de ses prédécesseurs UDC avait supprimé à force d’économies et mis au placard.

Lorsqu’il s’agit de passes en or, Monsieur Levrat, l’UDC voit loin.